4888. A LA REINE DE SUÈDE A STOCKHOLM.
Potsdam, 16 avril 1751.
Ma très chère Sœur. Dans ce moment je viens d'apprendre la grande nouvelle du jour,330-1 que vous me confirmez par votre lettre. Vous êtes bien persuadée de la part que j'y prends et surtout des applaudissements sincères que je donne à la conduite sage du nouveau Roi.
C'est à vous à présent, ma très chère sœur, à consolider un ouvrage si heureusement commencé, en réunissant tous les esprits. Vous possédez si bien les talents de gagner les cœurs que vous n'avez qu'à vouloir pour être sûre de réussir. Vous comprenez mieux que je ne pourrais vous le dire, la nécessité qu'il y a de réunir autant que faire se peut tous les partis, et certainement ce sera le moyen le plus sûr de raffermir sur vos têtes la couronne qu'on vient d'y poser. Si je m'étends moins en compliments qu'en réflexions, ne l'attribuez qu'aux tendres sentiments que j'ai pour vous et pour le nouveau Roi. Souvent les personnes qui voient les choses d'un certain point de vue, sont capables d'ouvrir d'utiles avis, et j'aime mieux en ce moment présent vous servir que de vous complimenter. Je vous conjure donc, ma très chère sœur, de ne pas perdre de vue la Diète qui doit s'assembler au mois de septembre, et de réunir autant que vous pourrez les esprits; car je répète,330-2 ce n'est ni le Sénat, ni les États qui sont vos ennemis véritables, ce ne sont que les Russes, auxquels vous en imposerez facilement, aussitôt qu'ils verront attachée à vos personnes la plus nombreuse et la plus respectable partie de la nation. Je vous conjure d'y penser d'autant plus sérieusement que, dans un commencement de règne, les premières démarches deviennent décisives, et que, si vous ne profitez pas du moment présent, vous aurez bien plus de peine à gagner avec le temps les esprits que vous aurez négligés à présent.
Pesne copiera le tableau de Charlottenbourg du feu Roi, et je<331> prendrai la liberté de vous l'envoyer dès qu'il sera fini. Je vous prie, ma chère sœur, bannissons tout cérémonial de nos lettres particulières et laissons les ennuyeuses sottises au style de la chancellerie. Je suis avec la plus tendre amitié, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur
Federic.
Nous venons de recevoir des nouvelles de la Pologne de fort bonnes mains que depuis peu trois différents corps de Tartares turcs avaient fait une invasion sur le territoire des Cosaques de la dépendance de la Russie, sous prétexte de chercher des chevaux que ceux-ci leur avaient enlevés; qu'il y était resté du monde de part et d'autre, mais que les Cosaques avaient été assez maltraités. Que cette affaire pourrait avoir des suites, d'autant plus que le commandant d'une presqu'île que forme le Dniéper, avait fait informer le gouverneur de Kiovie que les Cosaques qui étaient sous ses ordres, faisaient mine de vouloir se soustraire à la domination de la Russie, et qu'il y avait à craindre qu'ils n'eussent le dessein de retourner à la protection du Grand-Seigneur.
Nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Der in Chiffren ausgefertigte Zusatz nach dem Concept.
330-1 Der Tod des Königs Friedrich von Schweden, 5. April.
330-2 Vergl. S. 290.