5038. AU CHAMBELLAN D'AMMON A COMPIÈGNE.
Potsdam, 3 août 1751.
J'ai bien reçu votre rapport du 22 dernier avec le projet du tarif que vous avez remis au sieur de Trudaine. Il faudrait voir les remarques qu'il aura faites là-dessus pour en pouvoir juger avec fondement, mais comme cela demanderait encore un temps considérable pour vous faire savoir mes intentions là-dessus, et qu'il me tarde à présent de voir votre négociation finie, mon intention est que vous devez<421> presser un peu le sieur de Trudaine pour avoir bientôt ses remarques, sur lesquelles alors vous devez tâcher de convenir le mieux qu'il sera possible avec lui, afin de pouvoir procéder à la conclusion de l'affaire. Je trouve d'autant plus nécessaire que vous mettiez plus de feu et d'empressement dans votre commission, vu qu'ordinairement plus les affaires traînent, plus elles sont assujetties aux incidents.
D'ailleurs je ne veux pas vous laisser ignorer que je sais par un bon canal que la cour de Dresde, par un motif d'envie et de jalousie extrême qu'elle me porte, a pris à tâche de traverser au possible votre négociation; que c'est proprement dans cette vue-là qu'elle a envoyé le sieur Lefort421-1 en France et qu'elle a instruits on ministre, le comte de Loss, qui va retourner en France, de travailler de son mieux à ce que mon traité de commerce avec la France ne parvienne à sa consistance, à quelle fin il doit offrir un traité de commerce à faire entre elle et la France.
Quoique je connaisse bien le chimérique de ces desseins, bien entendu que la Saxe n'a ni ports ni vaisseaux pour entretenir un commerce avec la France, je trouve bon cependant que vous vous donniez tous les mouvements convenables pour aller à la fin de votre commission, afin que les Saxons n'aient point le temps ni lieu de vous déranger les pions; aussi, pour que vous soyez à même de satisfaire à ma volonté relativement à cet objet, je vous établis pour principes à vous régler là-dessus qu'en premier lieu vous devez tâcher au possible de stipuler et d'obtenir les conditions les plus avantageuses pour notre commerce. En second lieu, lorsque le sieur de Trudaine fera le difficile de vous passer quelque point ou article, vous devez d'abord voir et bien peser s'il y a moyen de lever ces difficultés ou non. Au premier cas, il faut que vous insistiez à ce que ce point soit passé, au second cas il vaudra mieux que vous vous y relâchiez que de perdre inutilement le temps en contestations qui, au bout du compte, ne mèneraient à rien. En troisième lieu, et ce qui doit servir de base principale dans votre négociation, vous devez faire en sorte qu'on nous accorde au moins les mêmes conditions et avantages qu'on accorde aux Hollandais et aux Villes Anséatiques, Hambourg, Lübeck et Brême,421-2 afin que nos commerçants soient du moins traités également avec ceuxci, et que nous ne soyons pas au dessous d'eux. Cela fait, et quand vous verrez qu'il n'y a pas à obtenir de meilleures conditions, vous devez procéder à la conclusion et signer sans plus de délai avec le sieur Trudaine le projet du traité que vous aurez concerté, afin de me l'envoyer après à ma ratification. Je me remets en tout ceci sur votre fidélité, savoir-faire et dextérité reconnue et verrai venir avec bien du plaisir la fin et la conclusion de l'affaire.
Federic.
Nach dem Concept.
<422>421-1 Vergl. S. 396.
421-2 Vergl. Bd. VII, 291. 294.