5255. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Berlin, 25 décembre 1751.

J'ai bien reçu vos rapports du 6 et du 10 de ce mois. Je ne veux point vous laisser ignorer qu'il m'est revenu depuis peu un avis bien intéressant par un canal secret, mais sur lequel je puis compter571-2 — au sujet duquel je vous ordonne d'abord et préalablement de me garder un secret absolu et impénétrable — d'une nouvelle trame que les deux cours impériales vont ourdir en Suède, savoir que la cour de Vienne, ayant pris en considération qu'elle pourrait difficilement obtenir son but de brouiller les affaires en Suède et dans le Nord, pour pêcher en eau trouble, a formé, de concert avec la Russie, un autre plan, en conséquence duquel les deux cours impériales feront cajoler au possible le roi de Suède et tâcheront par tous les efforts imaginables de captiver son amitié. L'on me marque que, pour réussir d'autant mieux dans l'exécution de ce plan, l'on y a fait entrer le roi d'Angleterre, qui doit être déterminé d'employer les sommes les plus fortes en argent, pour porter le roi de Suède, vu la modicité de ses revenus, d'embrasser le parti des deux cours impériales et de se détacher de la France et de<572> moi. Outre cela, le dessein a été pris de faire proposer sous main, par le parti russien à la Diète, une alliance entre la Suède et entre la Russie, l'Autriche, l'Angleterre, la république de Hollande et la Saxe, et de faire bien relever par le parti anglais et russien les grands avantages que la Suède saurait retirer d'une alliance si puissante, entre lesquels l'on comptera que la Suède saurait ravoir par là cette partie de la Poméranie qu'elle a été obligée de céder autrefois à ma maison.

Quoique je ne sache vous garantir tout-à-fait la réalité de cet avis et que j'aie tout lieu de compter sur l'amitié, pénétration et droiture du roi de Suède, qui connaît trop ses intérêts pour se laisser imposer de propositions aussi superficielles, j'ai cru néanmoins nécessaire de vous informer de tout ceci, sachant que l'envie que les deux cours impériales portent à la France et à moi, est capable de les faire entrer dans des plans des plus chimériques. Mon intention est donc que, sans faire semblant d'être instruit de tout ce que dessus, vous devez observer avec toute l'attention imaginable les démarches que les ministres des cours susdites feront en Suède, afin de bien approfondir leurs menées. Vous devez prêter surtout votre attention à découvrir si effectivement l'on prépare les esprits en Suède pour leur faire goûter une telle alliance, et si l'on en mettra quelque chose sur le tapis auprès de la Diète.

Vous me marquerez exactement tout ce que vous en approfondirez et ne ferez autrement vos rapports là-dessus qu'à moi seul et immédiatement.

Federic.

Nach dem Concept.



571-2 Vergl. S. 560.