<288> aux alliés de s'engager à favoriser les Turcs par des diversions. Il faut que l'Europe demeure en paix, tandis que la guerre mine les puissances qui pourraient abuser de leurs forces en s'en servant contre la Pologne, et c'est à l'intrigue à profiter des dispositions du Sérail ou de celles des Janissaires pour les animer et les déterminer à la rupture avec la Russie. Nous voulons la paix&'133;: c'est la guerre des Turcs qui la prolonge et qui nous l'affermit; il faut que les cours impériales s'épuisent avec les Musulmans, pour qu'ils ratent la Pologne. Que le roi Auguste meure pendant cette guerre ou d'ici en dix ans, ni la Russie ni l'Autriche ne seront en état de disposer à main armée du trône de Pologne, et l'on ne craint pas leurs intrigues; il est plus facile de corrompre les Polonais que de battre des armées supérieures en nombre.
On demandera peut-être de quel sujet on pourrait convenir pour faciliter par un commun concours son élection en Pologne. Nous répondons à cette question, pourvu que ce ne soit ni le prince de Lorraine — ce qui est l'équivalent de la reine de Hongrie — ni quelqu'un de la maison de Czartoryski — trop attachée à la Russie — qu'il nous peut être indifférent du prince électoral de Saxe, d'un prince de la maison de France ou d'un Piaste, pour lequel de ceux-là on se déterminera; nous ajoutons que le Roi n'a point de vue de placer un Prince de sa maison, et qu'il y renonce entièrement.
Il est difficile, ou, pour mieux dire, impossible, de régler d'avance des choses qui sont à naître; nous avons vu dans ce siècle deux fois manquer les mesures qu'on avait prises pour disposer de couronnes d'avance. Le fameux traité de partage, fait pendant la vie de Charles II, ne fut qu'une disposition chimérique, et le traité de 1732 entre le feu Roi, l'Empereur et la Russie pour donner l'exclusion au roi de Pologne d'à présent et placer le prince de Portugal sur le trône de Pologne, fut rompu à la mort d'Auguste 1er. Pour dire ce qu'on pourra faire ou ne pas faire, il faut voir l'évènement; tout dépend des conjonctures qui l'accompagnent. Si à la mort du roi de Pologne l'Europe se trouve en paix, quelque contraire que soit l'élévation du prince de Lorraine à nos intérêts, dans ce cas il se trouve cependant qu'il y aurait plus de risque à l'empêcher qu'à la souffrir. Si le roi de Pologne meurt pendant le cours d'une guerre, il n'y aura rien de plus facile que de détruire les projets des deux cours impériales, et si elles ont la guerre à présent, on n'a rien à craindre du tout.
Quand on se rappelle que les couronnes de Bohême et de Hongrie, électives autrefois, sont devenues héréditaires en tombant entre les mains de la maison d'Autriche, on peut en conclure que la Pologne, passant sous la même domination, subira le même sort. Il n'est pas nécessaire d'en dire davantage pour faire sentir à un chacun quelles suites un pareil agrandissement de la maison d'Autriche produirait en Europe; il n'est pas nécessaire d'avertir tous les contemporains de la honte que ce serait pour eux d'avoir souffert — lorsqu'ils pouvaient l'empêcher —