5595. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE MALTZAHN A VARSOVIE.

Neisse,11 septembre 1752.

J'ai bien reçu votre dépêche du 6 de ce mois, sur laquelle je vous fais observer d'abord que je l'ai trouvée marquée de numéro 3, quoique l'antérieure, que j'avais reçue de vous en date du 30 du mois dernier, ne fût que sous numéro 1, ainsi que c'est à vous de juger vous-même s'il y a eu une faute d'écriture en marquant votre dernière du numéro 3, ou s'il y a eu une autre encore, sous numéro 2, qui alors ne me serait point parvenue.210-2

Comme j'ai eu occasion de voir et de parler encore le comte de Broglie à son passage par Breslau, d'où il ne vient de partir qu'avanthier, je suis bien aise de pouvoir vous avertir que je lui ai reconnu un caractère fort présomptueux et d'une suffisance dont jusqu'à présent j'ai trouvé presque peu de pareille, peu versé dans les affaires, mais plein d'orgueil et qui aime à être flatté; de sorte que j'ai cru entrevoir que, pour vous emparer de son esprit et gagner sa confiance, vous aurez à lui faire accroire adroitement que c'est par ses conseils que vous vous gouvernerez210-3 et que vous le plaignez du travail pénible que le poste où il entre, va lui donner. C'est, à ce que je crois, de cette façon-là que vous le gouvernerez vous-même et en disposerez à votre aise, en flattant habilement son orgueil et la présomption qu'il a de sa suffisance.

Je suis tout content de la manière dont vous vous êtes conduit dans la conversation que vous avez eue avec le comte Bielinski; je crois que vous ne vous serez ouvert envers lui par rapport à vos instructions relativement à la Diète prochaine que pour autant qu'il a fallu pour connaître au fond sa façon de penser sur les affaires présentes de Pologne En vous gouvernant de cette façon-là avec lui et en épiant son secret, sans lui faire voir le vôtre, je crois que vous tirerez toujours un bon parti de lui.

Au reste, j'ai trouvé fort bons tous les expédients que vous avez imaginés pour la rupture, mais comme je ne saurais vous donner des instructions positives là-dessus, il ne me reste qu'à abandonner à votre prudence et savoir-faire d'en choisir celui que vous jugerez le plus convénient selon le temps et les occurrences; je serai toujours satisfait et<211> content, si de tous vos expédients il n'en réussit qu'un seul, et alors tout ira bien.

Quant à la crainte que le palatin de Belcz a paru avoir que la Diète ne dégénérât à une Confédération et que les Russes ne s'en mêlent plus qu'il le faut, vous devez rassurer lui et tous les Polonais vos amis qui vous en parleront, en leur insinuant qu'il n'y avait rien à craindre là-dessus et que ceux qui voudraient parvenir à de pareilles extrémités, y songeraient plus d'une fois après la révolution qui est arrivée à Constantinople211-1 et qui ne laisse pas de causer beaucoup d'appréhension aux cours de Pétersbourg et de Vienne.

J'ai ordonné à la caisse de légation à Berlin de vous payer préalablement à tout autre les 500 ducats qu'il vous faut pour votre maison à Grodno, de même que le compte de votre voyage et du transport que vous avez adressé au département des affaires étrangères. Au reste, je ferai rechercher exactement les plaintes que le comte de Brühl vous a faites par rapport au maître de poste à Schwiebus; en attendant, je ne veux point vous laisser ignorer qu'il y a eu bien des plaintes déjà sur la manière dont les domestiques des Saxons et surtout ceux du comte de Brühl ont traité mes gens, jusqu'à vouloir leur donner des coups de bâton et de fouet, et d'autres plus grands excès encore que je ferai examiner et vous en communiquer alors les faits, pour qu'il en soit remédié à l'avenir.

Federic.

Nach dem Concept.



210-2 Vergl. S. 214.

210-3 Vergl. S. 18. 219.

211-1 Vergl. S. 196.