<316>Il marche, à ce dessein, vers les grandes cités,
Il donne à l'ennemi plus d'une jalousie,
Il se prépare, il feint, il tourne, il se replie,
Il paraît menacer trois villes à la fois,
Elles sont dans l'attente et craignent toutes trois.
Tandis qu'en tous les cœurs la terreur est semée,
De son triste adversaire il affame l'armée,
Des lieux qui l'ont nourrie il coupe les secours,
Et la force aux combatsa pour prolonger ses jours;
Il faut vaincre ou périr, il n'est plus de retraite :
Le faon ne quitte point la biche qui l'allaite,
Un chef risquera tout plutôt qu'abandonner
Ses dépôts abondants qu'il voit environner.
Lorsque pour se soustraire à votre diligence
Votre ennemi d'un fleuve implore l'assistance,
Et croit vous arrêter par ses rapides flots,
Imitez d'Annibal le plan et les travaux :
Du Rhône les Romains occupaient le rivage,
Il feint, marche plus bas, et se fraye un passage :
Il sait joindre la ruse avec l'activité,
Et trompe le consul qui le croit arrêté.
Soutien de mes rivaux, digne appui de ta reine,
Charles,b d'un ennemi sourd aux cris de la haine
Reçois l'éloge pur, l'hommage mérité :
Je le dois à ton nom, comme à la vérité.
Ces flots majestueux, cette rivière immense
Qui sépare à jamais l'Empire de la France,
Ces ennemis nombreux qui défendaient ses bords,
S'opposèrent en vain à tes nobles efforts;


a Au combat. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 440.)

b Voyez t. III, p. 50-54, p. 124 et suivantes, et p. 150 et suivantes.