<114>L'Électeur, qui chargeait la France de tous les chagrins que sa belle-mère lui avait donnés, à cause qu'elle avait engagé Frédéric-Guillaume, par des raisons d'intérêt, dans le parti de Louis XIV, était rempli d'une haine aveugle pour tout ce qui était français. Les partisans de l'Empereur nourrissaient soigneusement ce prince dans cette disposition, dont il ne pouvait résulter pour eux que des avantages; ils la fomentaient encore en créant le fantôme de la monarchie universelle de Louis XIV, avec lequel ils ensorcelaient la moitié de l'Europe. L'Allemagne fut souvent émue par cette machine puérile, et plongée dans des guerres qui lui étaient tout à fait étrangères; mais comme la trempe des meilleures armes vient enfin à s'émousser, ces arguments perdirent insensiblement la force de l'illusion, et les princes allemands comprirent que s'il y avait pour eux un despotisme à craindre, ce n'était pas celui de Louis XIV.

Dans ces temps-là, le charme était encore dans sa première force, et il opéra avec efficace sur un esprit préparé par ses préjugés à en recevoir favorablement l'impression. Frédéric III se crut donc obligé de secourir l'Empereur : il envoya le général Schöning avec un corps considérable sur le Haut-Rhin;a les Brandebourgeois s'emparèrent de Rheinberg; l'Électeur prit en personne le commandement de l'armée, et il mit le siége devant Bonn. Mayence se rendit aux alliés; les troupes qui avaient pris cette ville se joignirent à celles de l'Électeur, et empêchèrent Boufflers de secourir Bonn : d'Asfeld, qui en était gouverneur, rendit cette ville par capitulation, le 12b d'octobre.

L'Électeur fit encore la campagne suivante, et continua de fournir des secours considérables aux alliés contre la France. Le prince d'Orange ne commanda point, cette année, l'armée des alliés en Flandre; son ambition l'occupait ailleurs, comme nous l'allons dire, d'objets qui lui étaient plus personnels.


a Le Bas-Rhin.

b 2, vieux style.