<142> se procurer la royauté; et il ne désirait cette dignité avec tant d'empressement, quafin de contenter son goût pour le cérémonial, et de justifier par des prétextes spécieux ses fastueuses dissipations. Il était magnifique et généreux; mais à quel prix n'acheta-t-il pas le plaisir de contenter ses passions? il trafiquait du sang de ses peuples avec les Anglais et les Hollandais, comme ces Tartares vagabonds qui vendent leurs troupeaux aux bouchers de la Podolie pour les égorger. Lorsqu'il vint en Hollande pour recueillir la succession du roi Guillaume, il fut sur le point de retirer ses troupes de Flandre : on lui remit un gros brillant de cette succession; et les quinze mille hommes se firent tuer au service des alliés.

Les préjugés du vulgaire semblent favoriser la magnificence des princes : mais autre est la libéralité d'un particulier, et autre est celle d'un souverain. Un prince est le premier serviteur et le premier magistrat de l'État; il lui doit compte de l'usage qu'il fait des impôts; il les lève, afin de pouvoir défendre l'État par le moyen des troupes qu'il entretient, afin de soutenir la dignité dont il est revêtu, de récompenser les services et le mérite, d'établir en quelque sorte un équilibre entre les riches et les obérés, de soulager les malheureux en tout genre et de toute espèce, afin de mettre de la magnificence en tout ce qui intéresse le corps de l'État en général. Si le souverain a l'esprit éclairé et le cœur droit, il dirigera toutes ses dépenses à l'utilité du public et au plus grand avantage de ses peuples.

La magnificence qu'aimait Frédéric Ier n'était pas de ce genre; c'était plutôt la dissipation d'un prince vain et prodigue : sa cour était une des plus superbes de l'Europe; ses ambassades étaient aussi magnifiques que celles des Portugais; il foulait les pauvres, afin d'engraisser les riches; ses favoris recevaient de fortes pensions, tandis que ses peuples étaient dans la misère; ses bâtiments étaient somptueux, ses fêtes, superbes; ses écuries et ses offices tenaient plutôt du faste asiatique, que de la dignité européenne. Ses libéralités parais-