<181>Cette animosité passa bientôt des personnes aux affaires, et ne manqua pas d'influer dans les plus grands événements. Tel est le sort des choses humaines, que des hommes conduits par des passions les gouvernent, et que des causes puériles dans leur origine deviennent les principes d'une suite de faits qui donnent lieu aux plus grandes révolutions.

D'abord après l'avénement de George II au trône, le comte de Seckendorff vint à Berlin.a Il servait, comme général, en même temps l'Empereur et la Saxe; il était d'un intérêt sordide; ses manières étaient grossières et rustres; le mensonge lui était si habituel, qu'il en avait perdu l'usage de la vérité : c'était l'âme d'un usurier, qui passait tantôt dans le corps d'un militaire, tantôt dans celui d'un négociateur. Ce fut cependant de ce personnage que se servit la Providence pour rompre le traité de Hanovre. Seckendorff avait servi en Flandre au siége de Tournai, et à la bataille de Malplaquet, où le Roi s'était trouvé. Ce prince avait une prédilection singulière pour tous les officiers qu'il avait connus dans cette guerre. Il se plaignit à ce général du mécontentement que lui donnaient les alliés. Seckendorff entra d'abord dans son sens, et il condamna sans peine les mauvais procédés de la France, et surtout de l'Angleterre. Il parla de l'Empereur comme d'un prince plus solide dans ses engagements, et plus ferme dans ses amitiés. Il fit envisager l'union de la Prusse et de l'Autriche dans le point de vue le plus avantageux; il représenta, comme une perspective riante, la facilité avec laquelle l'Empereur accorderait au Roi toutes ses sûretés pour l'entière possession de la succession de Berg; enfin il s'empara de l'esprit du Roi avec tant d'adresse, qu'il le disposa à signer, à Wusterhausen, un traité avec


a Le comte Seckendorff arriva à Berlin le 25 juin 1726, et le 12 octobre de la même année il avait déjà négocié le traité de Wusterhausen. Le 23 décembre 1728, il arrangea définitivement le traité secret de Berlin. C'est ce traité que le Roi paraît avoir eu présent à l'esprit, lorsqu'à propos des différends survenus, en 1729, entre la Grande-Bretagne et la Prusse, il dit, à la page qui suit : « A peine ce traité fut-il conclu, etc. »