<192> ses intérêts y fussent contraires. Il n'avait d'autre politique que la probité, et il observait ses engagements si scrupuleusement, que son avantage ni son ambition n'étaient jamais consultés lorsqu'il s'agissait de les remplir. En conséquence de ces principes, il fit marcher dix mille hommes au Rhin, qui servirent pendant cette guerre sous le prince Eugène de Savoie.

Au commencement du printemps, le maréchal de Berwick força les lignes d'Ettlingen, que le duc de Bevern avait fait construire pendant l'hiver, et il vint mettre le siége devant Philippsbourg. Eugène, qui avait à peine vingt mille hommes avec lui, se retira à Heilbronn, où il attendit que les secours qu'on lui avait promis fussent arrivés. Il revint ensuite se camper au village de Wiesenthal, à une portée de canon du retranchement français. Le Roi se rendit dans l'armée de l'Empereur, accompagné du Prince royal, tant par curiosité que par l'attachement extrême qu'il avait pour ses troupes; et il vit que les héros, comme les autres hommes, sont sujets à la caducité : il n'y avait plus dans cette armée que l'ombre du grand Eugène. Il avait survécu à lui-même; et il craignait d'exposer sa réputation, si solidement établie, au hasard d'une dix-huitième bataille. Un jeune homme audacieux aurait attaqué le retranchement français, qui n'était qu'à peine ébauché lorsque l'armée vint à Wiesenthal : les troupes françaises étaient si proches de Philippsbourg, que leur cavalerie n'avait pas assez de terrain pour se mettre en bataille entre la ville et le camp, sans souffrir beaucoup de la canonnade; elle n'avait qu'un pont de communication sur le Rhin; et en cas qu'on eût emporté le retranchement, toute l'armée française, qui n'avait point de retraite, aurait péri infailliblement. Mais le destin des empires en ordonna autrement : les Français prirent Philippsbourg, à la vue du prince Eugène, sans que personne s'y opposât. Berwick fut tué d'un coup de canon. Le maréchal d'Asfeld lui succéda dans le commandement. Le Roi, dont les fatigues avaient achevé de déranger la santé, prit un