<266> vertu, en sanctifiant ses propres vices. Enfin des adeptes parurent à la cour : un Italien, nommé Caetano, assura le Roi qu'il avait le secret de faire de l'or; il en dépensa beaucoup, et n'en fit point. Le Roi se vengea de sa crédulité sur ce malheureux, et Caetano fut pendu.

L'État changea presque entièrement de forme sous Frédéric-Guillaume : la cour fut congédiée, et les grosses pensions souffrirent une réduction; beaucoup de personnes qui avaient entretenu carrosse, allèrent à pied, ce qui fit dire au public que le Roi avait rendu l'usage des jambes aux perclus. Sous Frédéric Ier, Berlin était l'Athènes du Nord : sous Frédéric-Guillaume, elle en devint la Sparte. Tout ce gouvernement fut militaire : l'augmentation de l'armée se fit, et, dans l'ardeur de ces premiers enrôlements, quelques artisans furent faits soldats; ce qui répandit la terreur parmi les autres, qui se sauvèrent en partie. Cet accident imprévu causa de nouveau un dommage considérable à nos manufactures.

Le Roi porta un prompt remède à ces abus, et il s'attacha avec une attention singulière au rétablissement et aux progrès de l'industrie : il défendit par un arrêt sévère la sortie de nos laines; il établit le Lagerhaus,69 magasin d'où l'on avance des laines aux pauvres manufacturiers, qu'ils restituent par leur ouvrage. Nos draps trouvèrent un débit assuré dans la consommation de l'armée, qui fut habillée de neuf tous les ans. Ce débit s'étendit jusques chez l'étranger; la compagnie de Russie fut formée l'année 1725. Nos marchands fournissaient les draps pour toutes les troupes russes; mais les guinées anglaises passèrent en Moscovie, et elles furent bientôt suivies de leurs draps, de sorte que notre commerce cessa. Nos manufactures en souffrirent au commencement; mais d'autres sorties s'ouvrirent. Les ouvriers n'eurent plus assez de nos propres laines : on permit aux Mecklenbourgeois de nous vendre les leurs; et dès l'année 1733, nos manufactures étaient si florissantes, qu'elles débitèrent


69 En 1714.