<99>lèrent avec moins d'éclat; cependant son grand génie se manifesta jusque dans les moindres actions de sa vie.

Les vertus de ce prince se modifiaient selon les circonstances où il se trouvait, paraissant tantôt plus héroïques et plus sublimes, tantôt plus douces et plus secourables. Un préjugé assez général fait que la plupart des hommes idolâtrent l'heureuse témérité des ambitieux l'éclat brillant des vertus militaires offusque à leurs yeux la douceur des vertus civiles; ils préfèrent les Érostrates qui brûlent les temples aux Amphions qui élèvent des villes, et les victoires d'Octave au règne d'Auguste. Frédéric-Guillaume était également admirable à la tête de ses armées, où il paraissait comme le libérateur de sa patrie, et à la tête de son conseil, où il administrait la justice à ses peuples. Ses belles qualités lui attiraient la confiance de ses voisins; son équité lui avait élevé une espèce de tribunal suprême qui s'étendait au delà de ses frontières, et d'où il jugeait ou conciliait des souverains et des rois. Il fut choisi médiateur entre le roi de Danemark et la ville de Hambourg; Christian V reçut cent vingt-cinq mille écus de cette ville, qui était une éponge que les Danois pressaient dans le besoin; elle aurait été mise à sec, sans l'appui de Frédéric-Guillaume.

L'Orient rendit un hommage à ce prince, dont la réputation avait pénétré jusqu'aux frontières de l'Asie : Murad Ghérai, kan des Tartares, rechercha son amitié par une ambassade. L'interprète du Budgjak avait un nez de bois et point d'oreilles; et l'on fut obligé d'habiller l'ambassadeur, dont les haillons ne couvraient pas la nudité, avant que de l'admettre à la cour.

L'Électeur, recherché des Tartares, se fit respecter des Espagnols. Cette cour lui devait des subsides dont il ne pouvait obtenir le payement : il envoya vers la Guinée neuf petits vaisseaux dont il s'était servi dans la Baltique; et cette escadre médiocre enleva un gros vaisseau de guerre espagnol, qu'elle conduisit dans le port de Königsberg.