<151> moindres circonstances sont connues. De tout son sujet, Crébillon ne conserve que le caractère de Catilina. Cicéron, Caton, la république romaine et le fond de la pièce, tout est si fort changé et même avili, que l'on n'y reconnaît rien que les noms. Par cela même Crébillon a manqué d'intéresser ses auditeurs. Catilina y est un fourbe furieux que l'on voudrait punir, et la république romaine, un assemblage de fripons pour lesquels on est indifférent. Il fallait peindre Rome grande, et les supports de sa liberté aussi généreux que sages et vertueux; alors le parterre serait devenu citoyen romain, et aurait tremblé avec Cicéron sur les entreprises audacieuses de Catilina. De plus, il n'y a aucun endroit où le projet de la conjuration soit clairement développé; on ignore quel était le véritable dessein de Catilina, et il me semble que sa conduite est celle d'un homme ivre. Vous aurez remarqué encore que les interlocuteurs changent presque à chaque scène; il semble qu'ils n'y viennent que pour faire varier de dialogue à Catilina. On peut retrancher de la pièce, sans y rien changer, Lentulus et les ambassadeurs gaulois, qui ne sont que des personnages inutiles, pas même épisodiques. Le quatrième acte est le plus mauvais de tous; ce n'est qu'un persifflage. Et dans le cinquième acte, Catilina vient se tuer dans le temple, parce que l'auteur avait besoin d'une catastrophe; il n'y a aucune raison valable qui l'amène là; il semble qu'il devait sortir de Rome, comme fit effectivement le vrai Catilina.

Ce n'est que la beauté de l'élocution et le caractère de Catilina qui soutiennent cette pièce sur le théâtre français. Par exemple, lorsque Catilina est amoureux, c'est comme un conjuré rempli d'ambition doit l'être :

C'est l'ouvrage des sens, non le faible de l'âme.

Quelle force n'y a-t-il pas dans ces caractères rapides de Cicéron et de Caton :

Timide, soupçonneux et prodigue de plaintes! etc.