<231>Surprit la troupe auprès du camp volant
Où le Franquin avait son domicile.
Ce scélérat, feignant l'âme civile,
Dit à Darget : « Monsieur l'ambassadeur,
Je suis fâché de la triste aventure
Dont, il est vrai, je suis l'heureux auteur;
Et si, nu-pieds, sans habit, sans voiture,
Venez ici, c'est un petit malheur.
Pour consoler votre douleur cruelle
Et tempérer votre premier effroi,
Vous mangerez dessus cette vaisselle,
Qui, hier à vous, aujourd'hui n'est qu'à moi. »
Sur ce sujet tous les deux s'éclaircirent,
Comme croirez, très-mal se satisfirent,
Car sans détour le généreux Darget
Lui déclara d'abord ce qu'il était;
Et dans le temps que Darget développe
De son malheur le plaisant quiproquo,
L'Autrichien croit tomber en syncope.
« Serai-je donc compté pour un zéro?
Vengeons l'honneur que le destin maîtrise!
S'écria-t-il; et ce chien de Français
M'enlèvera dans ce jour, pour jamais,
D'une brillante et pénible entreprise
Tout le succès, par ma folle méprise!
Ah! malheureux, fourbe, qui que tu sois,
Ah! ravisseur de mon plus bel exploit,
Tu vas périr, et payer ma bêtise. »
Il dit, et tire un large coutelas,
Et le tournant trois fois dessus sa tête,
Cet inhumain, tout furieux, s'apprête