<259>De mon amour la fière tyrannie,
Et de mes sens la flatteuse manie,
Sur la raison mourante, à l'agonie,
L'ont emporté. J'ignore mon état,
Et commettant un affreux attentat,
Je suis aux pieds de ma religieuse :
Rendez enfin ma passion heureuse,
Rare beauté, divine et radieuse,
Osai-je dire, en lui baisant les mains.
Mais sa pudeur alarmait mes desseins,
Quand dans ses yeux je remarquai du trouble;
Son cœur n'était dissimulé ni double;
Je profitai de l'heure du berger.
Plus tendrement de nouveau je la presse :
Il n'est plus temps, belle, de reculer;
Ne fallait pas aussi loin s'engager,
Lui dis-je. Enfin, soit amour, ou faiblesse,
La pudeur passe, et l'aveugle tendresse
Va désormais de l'honneur se venger.
Imaginez l'ardeur voluptueuse
Dont je jouis de ma religieuse.
L'amour brûlant, un plaisir défendu,
Tout conspirait à soutenir ma flamme;
Au sanctuaire, à la fin, parvenu,
Cette nonnain se convertit en femme.
Mais, justes dieux! quels furent mes forfaits!
J'abhorre encor ma noire ingratitude.
Sœur Amidon, que ce léger prélude
Vous a coûté de douloureux regrets!
Je suis confus, seigneur, lorsque j'y pense;
Oui, de Vesta la sévère vengeance