<31>Et les transports de leur bruyante ivresse
Font retentir l'écho de leurs chansons;
La liberté, l'amour, l'indépendance.
Versent sur eux plus de félicités
Et de vrais biens qu'en fournit l'abondance
Dans le vain luxe et l'orgueil des cités.
Ils pensent peu, leur estomac digère
Sans se douter qu'ils ont un mésentère;
Leur exercice et leur sobriété
Leur sont garants d'une bonne santé;
Sans se bercer de visions cornues,
Ils ne vont point se perdre dans les nues;
Très-ignorants dessus l'antiquité,
Et sans souci pour le destin du monde,
Dans leurs hameaux règne une paix profonde,
Les jeux, les ris, l'amour et la gaîté.
De l'intérêt la tyrannique idole
Ne les vit point, accourants au Pactole,
Porter le joug de la cupidité;
La vaine gloire impérieuse et folle
N'a pu jamais tenter leur vanité,
Et de leurs vœux l'arrogance frivole
N'importuna point la Divinité.
Ils sont heureux dans leur rusticité,
Tandis qu'en ville, au centre du tumulte,
Enseveli dessous la poudre occulte
Du pays grec et du pays latin,
Digne Jordan, tu lis et tu consulte
Tous ces savants dont le savoir certain
Est le flambeau du faible genre humain.