<32>Pour te tirer de ta mélancolie,
Pour t'inspirer notre aimable folie,
Ma muse et moi nous mîmes en chemin.
Tu sais très-bien que nous autres poëtes
En peu de temps faisons de longues traites;
Ainsi d'abord nous fûmes à Berlin.
En approchant de tes doctes retraites,
Près de la porte, orné de ses vignettes,
Je fus frappé d'un gros saint Augustin
Qui, de travers, s'appuyait sur l'ouvrage
D'un grand bavard, savant bénédictin;
Là se trouvait rangé sur le passage
D'auteurs en us le pédantesque essaim,
De Quatre-gros2 méritant le suffrage,
Qui, dans ta salle, en bravant le destin,
Grands de renom, mais pauvres d'équipage,
Ne sont vêtus qu'en sale parchemin.
Passant enfin du sacré vestibule
Au cabinet, dans l'asile divin
Où tu t'enferme, ainsi qu'un capucin,
Je vis l'auteur3 dont la plume polie
Éloquemment défendit la folie,
Ton gros portier, tel que Grandonio,a
Le sieur Erasme en grand in-folio;
Je le passai, perçant avec surprise
L'énorme tas des Pères de l'Église.


2 Brocanteur de livres.

3 Erasme.

a Le géant Grandonio, prince sarrasin d'Espagne, est un des héros du Roland amoureux du Bojardo.