<137>Et, libre des ardeurs d'un accès frénétique,
Recouvrant ses esprits, le jour et la santé,
La France ouvre les yeux et revoit la clarté.
D'un rayon de bon sens l'éclatante lumière
Abat les préjugés qui couvraient sa paupière;
Ces fantômes qu'un songe engendre avec l'erreur,
Dont un sang bouillonnant nourrissait la vapeur,
Se dissipent soudain, et la vérité nue
Par cent objets fâcheux vient occuper sa vue.
A ses regards surpris quel odieux coup d'œil!
Elle voit le faux dieu5 créé par son orgueil,
Ce monstre qu'engendra sa haine dévorante
Au sacrilége sein de la discorde ardente,
Dont les membres divers sont autant de tyrans
Prêts à se déchirer pour leurs vains différends,
Qui, prompts à la servir, prompts à tomber sur elle,
Sont l'appui dangereux de sa triste querelle.
Elle-même s'étonne en trouvant en tous lieux
Les effets qu'ont produits ses transports odieux,
Terribles monuments de cruauté, de rage,
D'un orgueil insensé trop déplorable ouvrage,
De la Vistule au Rhin cent pays désolés,
Leurs murs encor fumants, leurs peuples immolés,
Toute l'horreur qui suit une infernale guerre :
C'est elle enfin qui ravagea la terre.
Hélas! on ne sent point dans son égarement
Jusqu'où peut entraîner un fougueux sentiment;
Elle-même en rougit, elle a peine à le croire;
Voltaire effacera ce trait de son histoire,


5 Le triumvirat. [Voyez ci-dessus, p. 100 et 103.]