<202>Satisfaits de laisser au monde consterné
Un léger souvenir d'un peuple exterminé.
En souffrirons-nous moins? Pour guérir nos atteintes
Il faut de vrais secours, non de vaines complaintes,
Une mâle assistance, un vigoureux soutien,
Un ami qui partage et le mal, et le bien.
Quittez le nom d'amis, vous que la crainte arrête,
Qui, tranquilles, du port contemplez la tempête,
Qui, sans tendre la main à ceux qui vont périr,
Par les flots courroucés les laissez engloutir.
Vos cœurs, à la pitié toujours inaccessibles,
Aux malheurs étrangers demeurent insensibles.
Le nom de l'amitié, pour moi saint et sacré,
Ne décorera point qui l'a déshonoré;
Je le refuse à vous, placés au rang suprême,
Dont l'amour concentré n'a d'objet que lui-même;
Je le refuse à toi, barbare souverain
Dont le cœur est de fer, les entrailles d'airain.
Mais qu'on m'apprenne, ou bien qu'un de ces rois m'explique
Sur quel principe absurde agit sa politique,
Et comment de sang-froid il a pu regarder
Ce torrent orageux, courant tout inonder,
Dévaster les Etats, en effacer la trace,
Qui, s'approchant de lui, d'assez près le menace
D'un sort non moins funeste et plus injurieux.
Ce n'était pas ainsi que pensaient nos aïeux,
Lorsque de Charles-Quint le sanglant héritage
A Philippe ou Joseph retombait en partage;
A peine la discorde armait ces héritiers,
A peine couvraient-ils les champs de leurs guerriers,
Que l'Europe agitée, attentive aux alarmes,