<216>A peine sûr de vivre un court et prompt instant,
D'un désir altéré d'heureuses destinées
Enchaîne dans ses vœux un nombreux cours d'années.
Quel mélange étonnant de gaîté, de soupirs,
De transports, de regrets, de dégoûts, de désirs!
Ce contraste éternel au désordre vous livre;
Détestant votre sort, vous désirez de vivre.
Décidez-vous enfin; fatigué de vos jours,
Qui peut vous empêcher d'en abréger le cours?
Sortez de cette terre en maux inépuisable.
Et ne respirez plus sa vapeur exécrable.
Qu'est l'homme en ce séjour frivole et décevant?
C'est une âme qui traîne un cadavre vivant;
Par ses distractions toujours hors d'elle-même,
Et qui sans réfléchir végète sans système.
D'un regard intrépide envisagez la mort,
C'est notre seul asile et notre dernier port;
Chaque jour nous la montre, et pourrait nous apprendre
Que tout homme lui doit le tribut de sa cendre.
Lorsque le doux sommeil, nous couvrant de pavots,
Rend le corps insensible aux biens ainsi qu'aux maux,
Privée entre ses bras des sens de la pensée,
L'âme éprouve la mort tant qu'elle est éclipsée,
Et le corps se dissipe et s'accroît tous les jours.
D'atomes étrangers le nombre et le concours
Répare en aliments la force qui s'altère,
Mais ce n'est plus ce corps qu'allaita notre mère;
L'invisible progrès de tant de changements
Forme un être nouveau par le secours des ans.
S'il subsiste et s'il vit par sa métamorphose,