<60>Il en est encore un qui, jaloux de ses droits,
Fermement résolu à vivre et mourir libre,
De lâches préjugés osant braver les lois,
Imite les vertus du Tibre.
Ah! pour qui doit ramper, abattu sans espoir,
Sous le tyrannique pouvoir
De nouveaux monstres politiques,
De triumvirs ingrats, superbes, despotiques,
Vivre devient un crime, et mourir un devoir.a
Le trépas, croyez-moi, n'a rien d'épouvantable;
Ce n'est pas ce squelette au regard effroyable,
Ce spectre redouté des timides humains;
C'est un asile favorable,
Qui d'un naufrage inévitable
Sauva les plus grands des Romains.
J'écarte ces romans et ces pompeux fantômes
Qu'engendra de ses flancs la superstition,
Et pour approfondir la nature des hommes,
Je ne m'adresse point à la dévotion.
J'apprends de mon maître Épicure
Que du temps la cruelle injure
Dissout les êtres composés;
Que ce souffle, cette étincelle,
Ce feu vivifiant des corps organisés,
N'est point de nature immortelle.
Il naît avec le corps, s'accroît dans les enfants,
Souffre de la douleur cruelle;
Il s'égare, il s'éclipse, il baisse avec les ans;


a Voltaire dit dans Mérope, acte II, scène 7 :
     

Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir,
La vie est un opprobre, et la mort un devoir.