<74>De ce trône sanglant fut contraint de descendre;
Et ce jeune Édouarda que nous avons tous vu,
Au rang de ses aïeux à demi parvenu,
En héros vagabond courir à sa ruine,
Prouve par ses destins sa funeste origine.
Sans aller parcourir l'histoire du Levant,
Que ne dirai-je pas du sort du jeune Iwan,
D'un monarque déjà poursuivi dès l'enfance?
Une nuit renversa son trône et sa puissance;
Une femme tremblante, ivre de voluptés,
Rassemble des soldats à la hâte ameutés,
Enchaîne le monarque au sein de sa patrie,
Et le fait transporter captif en Sibérie.
Quels faits humiliants pour l'orgueil des humains!
Que de vils instruments ont d'étonnants destins!
J'ai souvent reconnu par mon expérience
Combien peu sert le fil de la vaine prudence.
Quand j'entrai dans le monde en ma jeune saison,
Je dus tout au hasard et rien à la raison;
Ardent, présomptueux, je m'en souviens encore,
Je brûlais d'imiter des héros que j'honore;
Du centre des plaisirs et des bras du repos,
Sur les traces de Mars je volais aux travaux.
Un vieux Sertoriusb de l'école d'Eugène
Pour traverser mes vœux fut envoyé de Vienne;
Tout ce que peut fournir l'expérience et l'art
Fut employé par lui pour fixer le hasard.
Dans ma sécurité Neippergb m'allait surprendre,
J'ignorais ce qu'un sage était près d'entreprendre,


a Charles-Edouard. Voyez t. III, p. 48.

b Voyez t. II, p. 70, 80 et suivantes.