<189>Dès lors l'apothéose eut des routes aisées,
Le ciel, tout étonné de ces cultes nouveaux,
Fut peuplé de mortels, de plantes, d'animaux;
Et si quelques vertus furent divinisées,
Les vices à leur tour trouvèrent des dévots.
Mais parmi tant de dieux que s'était forgés l'homme,
Auxquels la folle erreur avait sacrifié,
On ne trouve, à Memphis, dans Athènes, dans Rome,
Aucun culte à l'honneur du dieu de l'amitié,
Seul être, s'il en fut, qui méritât des temples;
Tant le peuple ignorant, facile à s'égarer,
Confond ce qu'il doit craindre ou qu'il doit adorer.
Mais l'univers alors manquait de grands exemples;
Le fidèle Euryale expirant pour Nisus,
Thésée aux bords du Styx suivant Pirithoüs,
Ces beaux noms, ces héros, leurs fastes respectables,
Ne subsistaient que dans les fables.
Pour donner du lustre aux vertus,
Il faut des faits plus véritables
Et des exemples plus connus.
Vous, ma divine sœur, que j'honore et révère,
Dont mon orgueil séduit se vante d'être frère,
Si Delphes, si Colchos, dans leurs temps fortunés,
Avaient trouvé chez eux une vertu si rare,
Les temples, les saints lieux, de festons couronnés,
Les peuples empressés, à vos pieds prosternés,
La génisse expirant sous un glaive barbare,
Vous eussent confirmé l'hommage des mortels;
Et bientôt leur reconnaissance,
Des dons de l'amitié connaissant l'excellence,
Vous aurait sous son nom dédié des autels.