<92>Et, pour le posséder, le l'ardeur la plus vive
Ils poursuivent en vain cette ombre fugitive;
Au lieu de la saisir, ô perfides destins!
Ils trouvent des soucis, des revers, des chagrins.
Tel est le sort commun de ces rois qu'on envie,
Par leur éclat trompeur la vue est éblouie :
En les voyant de près, on gémit en secret
De leur sort, que de loin l'ignorance admirait.
Vous, dont l'éclat naissant d'une beauté touchante
Fixa sur vous les yeux de la Suède inconstante,
Vous montâtes au trône où vous plaça leur choix;
Et quoique fille, sœur, femme et mère de rois,a
Le bonheur de chez vous s'échappa comme une ombre,
Sous vos pas les revers s'accumulaient sans nombre.
La Suède n'était plus l'État jadis fameux,
Vengeur des libertés des Germains belliqueux;
De son gouvernement la forme différenteb
Énervait de ce corps la masse languissante.
Dès lors, n'éprouvant plus le pouvoir souverain,
L'anarchie opprimait l'état républicain;
Des grands, dégénérés de leur noblesse antique,
L'intérêt personnel bornait la politique;
Ils couvraient des beaux noms de lois, de liberté,
La honte de se vendre avec impunité.
Rien de plus rare alors, tant tout abus excède,
Qu'un citoyen zélé et fidèle à la Suède.
Vous voulûtes, ma sœur, dans ces cœurs dépravés


a Agrippine dit dans le

Britannicus

de Racine, acte I, scène 2 :

Moi, fille, femme, sœur et mère de vos maîtres.

b Le comte Arvid Horn fut le principal promoteur de la constitution de 1720, qui limitait la puissance royale. Voyez t. VI, p. 26.