<370>tenant, et je vous le répète, si mon cœur a quelque faiblesse à se reprocher, c'est de vous avoir aimé. Entendre applaudir son amant par toute la terre, sentir une inclination que la raison appuie, s'y voir entraîner malgré soi, c'est ce qui m'est arrivé. Mais souffrez que dans le temps que je vous fais l'aveu de ma faiblesse, je vous fasse connaître l'empire qu'une fille peut avoir sur ses passions. Apprenez donc que je suis prête d'étouffer tous ces sentiments, quand même cet effort devrait me coûter la vie, pour me soumettre aux volontés de mon père; que c'est de lui et de ma mère que vous devez m'obtenir; que je vous préfère à tout l'univers, mais que je vous sacrifie à ma vertu.

MONDOR.

A-t-on jamais vu une plus belle âme dans un corps plus accompli? Madame, vous me confondez, vous redoublez mon amour, vous le poussez à un excès que je ne saurais vous exprimer. Je vous adore, et je vous perds! Non, je vais mettre tout en usage, je vais faire les derniers efforts, et je vous demanderai à madame et à M. Argan. ...

NÉRINE.

Je ne vois qu'un obstacle à tout ceci.

MONDOR.

Et quoi?

NÉRINE.

Le manque de richesses.

MONDOR.

Quoi! ces vils dons de Plutus?

NÉRINE.

Ils entrent pour beaucoup en compte chez madame Argan, et c'est le point capital auquel il faut penser.