<392>BARDUS.

Il n'y a donc de beaux esprits que les algébristes, selon votre définition, et Mondor est un éventé qui, en répétant les belles comparaisons de son Virgile et de son Horace, devient un impertinent lorsqu'il se mesure avec mon fils. Si je n'avais eu mon professeur à consulter sur l'équation d'une courbe admirable et nouvelle que je veux mettre dans mon livre, j'aurais accompagné Bilvesée dans sa visite. Cependant je n'aurais pas eu le temps, car un ami s'est offert de le mener avec lui en Hollande et de là en France.

ARGAN.

Vous êtes donc résolu de le faire voyager?

BARDUS.

Sans doute. Je veux qu'il connaisse tous les professeurs d'Allemagne et de Hollande, que de là il aille en France pour voir le beau monde, et qu'il passe ensuite en Angleterre pour devenir profond.

ARGAN.

Si j'avais un conseil à vous donner, vous ne feriez voyager votre fils qu'après l'avoir bien formé dans ce pays-ci. Lorsque les pères envoient les enfants trop jeunes dans les pays étrangers, avant que leur jugement soit formé, ils prennent, par un mauvais choix, tous les vices et les ridicules des autres nations, ils y dépensent leur argent, et ils ne rapportent, pour tout fruit de leurs courses, que la frivolité de quelque mode nouvelle, et peut-être un toupet frisé en perroquet royal ou en bec de corbin. Cela vaut alors bien la dépense qu'on a faite pour eux!

BARDUS.

Oh! mon fils n'est pas de cette espèce-là, et je vous dirai bien encore