<89>Qui, des arbres fruitiers tirant les sucs utiles,
Pour leur feuillage épais uniquement portés,
Voient les tendres fruits sécher à leurs côtés.
Un autre, plus bizarre en sa fougue importune,
Croit mourir de disette au sein de la fortune;
Prudent, plutôt avare, on voit dans ses bureaux
Son or accumulé s'élever en monceaux.
Ses richesses pour lui sont un bien illusoire,
Tantale dans ce fleuve a soif et ne peut boire,
Et tout l'or de Crésus, les mines du Pérou
Ne sauraient assouvir ce cœur avide et fou;
Ce sombre possesseur, craintif et plein d'ombrage,
Des trésors en ce monde ignore encor l'usage.
Pour un but différent Dieu, dans ses grands desseins,
Sut élever ces monts de ses sublimes mains.
Aux ruisseaux, aux torrents ils servent de ressources,
Ils amassent les eaux qui fournissent leurs sources,
Qui, se précipitant avec rapidité,
Rendent aux champs leurs sucs et leur fécondité.
Ainsi donc ta grandeur, ton pouvoir, ta richesse,
Doivent de l'indigent soulager la faiblesse;
Car pour les appuyer de ta protection,
Dieu même résolut ton élévation.
Ces piliers somptueux dont l'habile architecte
Dispose sagement l'élégance correcte,
Ces piliers ne sont point dans les grands bâtiments
De la profusion frivoles ornements;
Par un commun concours leur force réunie
Embellit la façade autant qu'elle l'appuie.
Notre grand édifice est la société,
Tous doivent concourir à son utilité;