<90>Tu dois la soutenir, et c'est bien plus encore
Que lorsque vainement ton brillant la décore.
Plus que l'on est heureux, et plus il faut songer
Que d'autres à ce bien puissent participer.
La hauteur, le mépris, l'orgueilleuse impudence
Dont l'arrogant Damon usa de sa puissance
Fit détester partout sa fatale grandeur.
Fier avec ses égaux, des faibles oppresseur,
Écrasant sous ses pieds, par ses noirs artifices,
Ceux qu'un sort malheureux soumit à ses caprices,
Il semblait ne fonder son élévation
Que sur le mal public et sur l'affliction,
Et, dans l'impunité cruellement tranquille,
Opprimait d'autant plus, qu'il était dans l'asile.
C'est ainsi que l'on voit ces furieux volcans
Vomir avec horreur de leurs funestes flancs
De longs torrents de feu, de bitume et de soufre,
Et des rochers brisés, élancés de leur gouffre;
Les hameaux, à leurs pieds, par cent débris couverts,
Renversés et détruits, se changent en déserts.
Colbert, bien différent dans sa haute fortune,
Fit briller dans son rang sa vertu peu commune;
Sur les talents cachés il fixait ses regards,
Soutenait le mérite et protégeait les arts,
Et sur les ailes d'or de l'habile industrie,
L'opulence, à sa voix, vola dans sa patrie.
Que d'utiles projets travaillés par ses mains!
Que d'arts mieux cultivés pour le bien des humains!
Les Français doivent tout à son doux ministère :
Louvois fut leur tyran, mais Colbert fut leur père.
« Tu n'as rien de plus beau dans ton sort glorieux