<125>point le martyre que j'ai souffert pendant un gros mois, ni toutes les incommodités dont cette affreuse situation a été accompagnée. Je suis si las de me plaindre de la fortune, que je lui fais grâce par ennui. Tâchez, mon cher, de me faire avoir le Dictionnaire encyclopédique, que je voudrais acheter pour cet hiver. Je ne vous dis rien sur ce que je deviendrai cet hiver, parce que, foi d'honneur, je n'en sais rien. Adieu, cher marquis; je vous souhaite santé, paix et contentement.

95. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 24 décembre 1759.



Sire,

Il vient de paraître ici un grave personnage auprès de qui Daniel, Jérémie, Josias et tous les prophètes grands et petits ne sont rien.a Cet homme, depuis dix-huit mois, passait pour un fou, parce qu'il avait prédit, l'année cinquante-huit, que vous essuieriez de grands malheurs dans l'année cinquante-neuf. Il a été, depuis quinze jours, chez tous ceux à qui il avait annoncé ses prédictions, et leur a dit fort sérieusement : « Messieurs, j'ai passé pour fou auprès de vous, parce que je vous avais annoncé la vérité. L'événement a justifié tout ce que je vous avais dit. Prenez-moi encore pour un fou, si vous le jugez à propos; je vous assure que le Roi va être bientôt au- dessus de tous ses ennemis, et que, jusqu'à la fin de la guerre, il n'aura plus que des succès heureux. » Comme les discours de cet homme singulier font l'entretien de toute la ville, j'ai été curieux de


a Ce prétendu prophète s'appelait Pfannenstiel : il était tisserand de profession. Voyez t. XII, p. 141.