<189> Lettres à Voltaire.a Il ne faut pas former des soupçons sans de grands préjugés; mais, quand je songe que V. M. n'avait donné ce volume à personne, je pense malgré moi à Voltaire et à Darget.b Si ces gens-là ne sont pas la cause de l'impression de cet ouvrage, c'est donc le diable qui, pour vous punir de ne pas croire en lui, a fait publier ce volume. J'ai parcouru celui qu'on a envoyé à M. de Catt pour vous remettre; j'y ai trouvé plusieurs fautes d'impression. Mais les pièces dont ce livre est composé m'ont paru charmantes; les Lettres à Voltaire sont admirables, pleines d'imagination et d'idées nouvelles. J'ai bien ri de vous voir promettre de faire un livre pour prouver la vérité de la religion chrétienne, lorsque Brühl commentera les campagnes de M. de Turenne.c

J'aurais bien encore des choses à dire à V. M., mais il est deux heures après minuit. Voilà de bon compte seize heures que je n'ai pas vu mon lit; je vais le retrouver, car je me suis levé à dix heures du matin. J'ai l'honneur, etc.


a Voyez t. XI, p. I, et p. 1-170.

b M. Darget, ancien lecteur et secrétaire de Frédéric, vivant alors à Paris, était innocent du fait dont le marquis d'Argens l'accuse, comme on peut le voir par le billet suivant du duc de Choiseul, du 10 décembre 1759, adressé à M. de Malesherbes, directeur de la librairie, et inséré dans le Constitutionnel du lundi 2 décembre 1850, no 336 : « Il est important, monsieur, que le ministère du Roi ne soit point compromis ni soupçonné d'avoir toléré l'édition des Œuvres du roi de Prusse. Ainsi, en cas que M. Darget vienne m'en parler, je l'assurerai fort que je n'ai nulle connaissance de cette impression, et que je vais prendre les ordres du Roi pour empêcher qu'elle ne s'exécute en France. En attendant que je voie M. Darget. j'espère que l'édition sera faite et que tout sera dit, etc. »

c Voyez la lettre de Frédéric à Voltaire, du 10 juillet 1749. XI, p. 157 et 158.