<60> érigeant la Prusse en royaume, avait par cette vaine grandeur mis un germe d'ambition dans sa postérité, qui devait fructifier tôt ou tard. La monarchie qu'il avait laissée à ses descendants, était, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, une espèce d'hermaphrodite qui tenait plus de l'électorat que du royaume. Il y avait de la gloire à décider cet être, et ce sentiment fut sûrement un de ceux qui fortifièrent le Roi dans les grandes entreprises où tant de motifs l'engageaient.

Quand même l'acquisition du duché de Berg n'eût pas rencontré des obstacles presque insurmontables, le sujet en était si mince, que la possession n'en agrandissait que très-peu la maison de Brandebourg. Ces réflexions firent que le Roi tourna ses vues sur la maison d'Autriche, dont la succession, après la mort de l'Empereur, devenait litigieuse, et le trône des Césars, vacant. Cet événement ne pouvait être que favorable par le rôle distingué que le Roi jouait en Allemagne, par les différents droits des maisons de Saxe et de Bavière à ces États, par le nombre des candidats qui postuleraient la couronne impériale, enfin par la politique de la cour de Versailles, qui, dans une pareille occasion, devait naturellement s'en saisir pour profiter des troubles que la mort de l'empereur Charles VI ne pouvait manquer d'exciter.

Cet événement ne se fit point attendre. L'empereur Charles VI termina ses jours à la Favorite le 26a d'octobre de l'année 1740. Cette nouvelle arriva à Rheinsberg, où le Roi était attaqué de la fièvre quarte. Les médecins, infatués d'anciens préjugés, ne voulurent point lui donner du quinquina; il en prit malgré eux, parce qu'il se proposait des choses plus importantes que de soigner la fièvre. Il résolut aussitôt de revendiquer les principautés de la Silésie auxquelles sa maison avait des droits incontestables, et il se prépara en même temps à soutenir ces prétentions, s'il le fallait, par la voie des armes. Ce


a L'Empereur mourut le 20 octobre; le 26, cette nouvelle arriva au Roi à Rheinsberg.