<337> du vin de Hongrie. Votre séjour de Bruxelles n'accélérera guère notre correspondance durant quelque temps, car je pars incessamment pour un voyage aussi ennuyeux que fatigant. Nous parcourrons, en cinq semaines, plus de mille milles d'Allemagne; nous passerons par des endroits peu habités, et qui me conviennent à peu près comme le pays des Gètes, qui servait d'exil à Ovide. Je vous prie de redoubler votre correspondance, car il ne me faut pas moins que deux de vos lettres toutes les semaines pour me garantir d'un ennui insupportable.

Bruxelles et presque toute l'Allemagne se ressentent de leur ancienne barbarie; les arts y sont peu en honneur, et par conséquent peu cultivés. Les nobles servent dans les troupes, ou, avec des études très-légères, ils entrent dans le barreau, où ils jugent, que c'est un plaisir. Les gentillâtres bien rentes vivent à la campagne, ou plutôt dans les bois, ce qui les rend aussi féroces que les animaux qu'ils poursuivent. La noblesse de ce pays-ci ressemble en gros à celle des autres provinces d'Allemagne, mais à cela près qu'ils ont plus d'envie de s'instruire, plus de vivacité, et, si j'ose dire, plus de génie que la plus grande partie de la nation, et principalement que les Westphaliens, les Franconiens, les Souabes et les Autrichiens; ce qui fait qu'on doit s'attendre un jour à voir ici les arts tirés de la roture, et habiter les palais et les bonnes maisons. Berlin principalement contient en soi (si je puis m'exprimer ainsi) les étincelles de tous les arts; on voit briller le génie de tous côtés, et il ne faudrait qu'un souffle heureux pour rendre la vie à ces sciences qui rendirent Athènes et Rome plus fameuses que leurs guerres et leurs conquêtes.

Vous devez trouver la différence de la vie de Paris et de Bruxelles bien plus sensible qu'un autre, vous qui ne respiriez qu'au centre des arts, vous qui aviez réuni à Cirey tout ce qu'il y a de plus voluptueux, de plus piquant dans les plaisirs de l'esprit.

La gravité espagnole de l'archiduchesse, le cérémonial guindé de