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217. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 6 février 1779.



Sire,

Je réponds à la dernière lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire dans les moments les plus agréables que j'aie passés depuis le commencement de la guerre. Nous avons célébré l'anniversaire de la naissance de Frédéric chez son admirable frère, et nous en célébrâmes l'octave chez mon fils. Je suis encore toute remplie des sentiments qu'un pareil jour doit inspirer. Quelle époque pour l'humanité entière, dont vous êtes la gloire, l'appui et le vengeur! Cette époque, si intéressante pour tous les hommes, l'est doublement pour moi, qui ai joui du bonheur de voir de près le héros sublime qu'ils admirent dans l'éloignement, qui ai vu sa grande âme descendre sans peine des travaux les plus relevés aux douceurs de la société, et répandre également autour d'elle les lumières et les charmes de la vie. Un poëte partirait de là pour comparer votre naissance et le cours de votre vie à celui d'un beau soleil; mais il y a longtemps que des sommités du Permesse,a où le feu de la jeunesse m'avait portée quelquefois, je suis descendue dans la plaine. J'y marche maintenant terre à terre; je ne me mêle pas de suivre dans leur vol des génies qui embrassent tout. Je considère fort Malebranche, parce que j'ai ouï dire qu'il était un fort honnête homme; je respecte infiniment les Pères de l'Église; et je crois surtout que Frédéric a raison en tout ce qu'il entreprend de prouver. Vous êtes né, Sire, pour faire briller la vérité dans son grand jour. Quand je vois aujourd'hui V. M. l'exposer aux yeux de l'univers avec toute l'énergie de l'évidence, et la défendre, les armes à la main, sans autre intérêt que celui de la faire recevoir, je ne puis m'empêcher d'admirer le plus bel emploi qu'on


a Ou plutôt du Parnasse.