<420> patrie un pays où vous êtes déjà naturalisé dans l'esprit de ceux qui pensent, et qui ont assez de connaissances pour apprécier votre mérite.

17. AU MÊME.

(Août 1764.)

J'ai reçu le présent que vous m'avez fait, digne d'un grand philosophe, et que je ne pouvais tenir que de vous en Europe. J'ai compris d'abord que le chapitre de la Liberté était trop libre pour être exposé aux yeux des esclaves du fanatisme. Vous avez très-bien détaillé les absurdités où aboutissent nos raisonnements métaphysiques. Il semble que ce soit une attrape où tout raisonneur se prend. Il n'y a point assez de données en métaphysique; nous créons les principes que nous appliquons à cette science, et ils ne nous servent qu'à nous égarer plus méthodiquement, ce qui me persuade de plus en plus que la façon dont existe l'Être suprême, la création ou l'éternité de cet univers, la nature de ce qui pense en nous, sont des choses qu'il ne nous importe pas de connaître, sans quoi nous les connaîtrions. Pourvu que l'homme sache distinguer le bien et le mal, qu'il ait un penchant déterminé pour l'un et de l'aversion pour l'autre, pourvu qu'il soit assez maître de ses passions pour qu'elles ne le tyrannisent pas, et ne le précipitent point dans l'infortune, c'est, je crois, assez pour le rendre heureux; le reste des connaissances métaphysiques, dont on s'efforce en vain d'arracher le secret à la nature, ne nous serviraient qu'à contenter notre curiosité insatiable, autant qu'elles seraient d'ailleurs inutiles à notre usage. L'homme jouit, il est fait pour cela; que lui faut-il davantage?