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29. DU MÊME.

Paris, 26 mai 1766.



Sire,

Toutes les lettres que je reçois de M. de la Grange m'assurent de la ferme résolution où il est de profiter des offres également honorables et avantageuses que V. M. veut bien lui faire. S'il n'est pas encore parti de Turin pour se rendre auprès de V. M., ce n'est ni sa faute, ni la mienne; c'est celle des ministres du roi de Sardaigne, qui, n'osant pas lui refuser absolument son congé, cherchent à le lui différer, dans l'espérance qu'il changera d'avis; mais il me mande que son parti est pris et inébranlable. Je ne doute point que si V. M. juge à propos de faire demander au roi de Sardaigne même le congé de M. de la Grange, il ne l'obtienne sur-le-champ, et ne se mette incessamment en route; en ce cas, V. M. voudrait bien donner ses ordres pour les frais de son voyage. Il est bien singulier que M. Euler, comblé de biens par V. M., lui et sa famille, ait obtenu son congé si aisément après vingt-six ans de séjour, et que M. de la Grange, dont on ne juge pas à propos d'assurer la fortune dans son pays, soit obligé de solliciter comme une grâce la permission d'aller jouir ailleurs de la justice qu'un grand roi lui rend.

V. M. désire un astronome; je crois que M. de Castillon y serait très-propre, d'autant qu'il pourrait former monsieur son fils au même travail, et le mettre en état de lui succéder, si le cas l'exigeait. Mais il serait nécessaire que V. M. donnât ses ordres pour remettre l'observatoire en état; car il en avait grand besoin, au moins quand je l'ai vu, il y a environ trois ans. Mais je m'aperçois, Sire, peut-être un peu tard, que je fais ici ou parais faire le rôle de président de l'Académie, qui n'en saurait avoir de plus digne et de plus éclairé que son protecteur même, et qui n'a besoin, pour obtenir ce qui est juste, que de le proposer à ce grand roi.