<493> il a dansé en bâillant à se tordre la bouche. Je ne doute point qu'à son arrivée à Copenhague il ne rende un édit pour défendre les soupers et les bals à perpétuité. Il est venu à l'Académie des sciences, et j'ai fait, à cette occasion, un petit discours que j'ai l'honneur d'envoyer à V. M.; mes confrères et le public m'en ont paru contents, mais je désirerais encore plus, Sire, qu'il fût digne de votre suffrage. J'ai tâché d'y faire parler la philosophie avec la dignité qui lui convient; cela était d'autant plus nécessaire qu'on avait assuré le roi de Danemark que les philosophes étaient mauvaise compagnie. Cette mauvaise compagnie, Sire, est bien consolée et bien honorée d'avoir V. M. à sa tête.

On dit que le paresseux marquis est resté en Bourgogne; il y fera venir sans doute les eaux d'Aix, en attendant qu'il puisse aller les prendre sur les lieux.

Nous recevons de Genève quelques brochures édifiantes; on nous a envoyé il y a peu de jours l'A, B, C;a c'est un tissu de dialogues sur tout ce qui a été, est, et sera. Dans le dernier dialogue, l'auteur soupçonne qu'il pourrait bien y avoir un Dieu, et qu'en même temps le monde est éternel; il parle de tout cela en homme qui ne sait pas trop bien ce qui en est. Je crois qu'il dirait volontiers comme ce capitaine suisse à un déserteur qu'on allait pendre, et qui lui demandait s'il y avait un autre monde : « Par la mordieu! je donnerais bien cent écus pour le savoir. »

Mais c'est trop entretenir V. M. de balivernes. Je finis en lui souhaitant une année aussi glorieuse et aussi heureuse que toutes les précédentes, et en la priant de continuer ses bontés à un philosophe pénétré de reconnaissance, d'attachement, et du plus profond respect pour sa personne. C'est dans ces sentiments que je serai toute ma vie, etc.


a Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLV, p. 1-135.