<526> sûr que l'on fera d'étonnantes guérisons. Vous voyez que dans tout ce raisonnement je suppose pour base que je m'adresse à une nation que les lois gouvernent; car il est bien vrai que sans le principe réprimant des punitions, la force du raisonnement ne serait pas suffisante pour arrêter seule les saillies féroces d'un amour-propre désordonné. Je ne vous en dirai pas davantage pour cette fois, tant pour ménager votre santé que faute de matière, priant Dieu, etc.

70. DE D'ALEMBERT.

Paris, 9 mars 1770.



Sire,

Je suis pénétré de reconnaissance de la bonté avec laquelle Votre Majesté daigne interrompre ses importantes affaires pour s'occuper un moment des rêveries métaphysiques d'un pauvre malade. La réponse qu'elle a bien voulu faire à la difficulté morale que j'ai pris la liberté de lui proposer sur son excellent mémoire a certainement toute la solidité dont la matière est susceptible. Je conviens que, d'une part, la crainte des lois et des supplices, et, de l'autre, l'espérance d'être soulagé par les âmes vertueuses, peuvent être un frein capable de retenir ceux qui sont dans l'indigence; mais je suppose, ce qui est possible, que l'indigent soit, d'une part, sans espérance d'être secouru, et que, de l'autre, il soit assuré de pouvoir en cachette dérober au riche une partie de son superflu pour subvenir à sa propre subsistance, et je demande ce qu'il doit faire en ce cas, et s'il peut ou même s'il doit se laisser mourir de faim, lui et sa famille. La difficulté n'est pas la même pour celui qui possède quelque chose; il ne doit rien dérober,