<549> sage et infiniment puissant. Quand on se fait, Sire, toutes ces questions, on doit, ce me semble, redire cent fois : Que sais-je?; mais on doit en même temps se consoler de son ignorance, en pensant que puisque nous n'en savons pas davantage, c'est une preuve qu'il ne nous importe pas d'en savoir plus.

Quant à la liberté, rien de plus juste, Sire, et de plus philosophique que la définition que V. M. en donne; il me semble que si on voulait s'entendre, on éviterait bien des disputes à ce sujet. L'homme est libre en ce sens que, dans les actions non machinales, il se détermine de lui-même et sans contrainte; mais il ne l'est pas en ce sens que, lorsqu'il se détermine, même volontairement et par choix, il y a toujours quelque cause qui le porte à se déterminer, et qui fait pencher la balance pour le parti qu'il prend. Je conviens d'ailleurs avec V. M. qu'un philosophe qui croit à la fatalité et à la nécessité, et qui en fait la base de son ouvrage, ne doit regarder les criminels que comme des malheureux plus dignes de compassion que de haine; mais je ne crois pas que, dans le système où les hommes seraient des machines assujetties à la loi de la destinée, les châtiments, d'une part, et, de l'autre, l'étude de la morale, fussent inutiles au bien de la société; car dans l'homme-machine même, la crainte, d'une part, et, de l'autre, l'intérêt, sont les deux grands régulateurs, les deux roues principales qui font aller la machine; or, de ces deux régulateurs, le premier est mis en action par les peines exercées contre les coupables, et qui servent de frein à ceux qui voudraient leur ressembler; et l'autre est mis en jeu par l'étude de la morale bien entendue, étude qui nous persuade que notre premier intérêt est d'être vertueux et justes, ainsi que V. M. l'a si bien prouvé dans son excellent écrit sur ce sujet. Sur la religion chrétienne, je serai, Sire, bien aisément d'accord avec V. M.; sa morale est sans doute excellente, et elle aurait dû s'y borner; mais ses dogmes et son intolérance font grand tort à cette morale, avec laquelle ils sont comme amalgamés. Je dis son intolérance,