<29> raison à laquelle malheureusement ils ne prétendent pas. Je lui envie bien sincèrement le bonheur qu'il a eu d'approcher de V. M., et je désirerais bien de jouir de ce bonheur au moins encore une fois, avant de rendre mon corps aux éléments, qui ne tarderont pas à me le redemander. Mais je suis si peu sûr de ma santé, et une maladie en voyage me rendrait si malheureux, que je n'ose pas même m'exposer à des courses beaucoup moindres que celle de Paris à Berlin, par exemple à celle de Hollande, que j'aurais pourtant grande envie de faire, et que je n'ose entreprendre. Cependant je suis, en général, un peu moins mécontent de mon individu, et dès que je croirai pouvoir m'y fier, je me traînerai encore, s'il m'est possible, aux pieds de V. M., pour y mettre les dernières et les plus vives expressions des sentiments que je lui ai voués à si juste titre.

Notre jeune roi continue à aimer les honnêtes gens, à leur donner sa confiance, et à faire le bien, tant par lui-même que par ses ministres. Il n'y a point de jour où l'on ne fasse cesser quelque vexation ou quelque abus; mais la pelote était si énorme, qu'à peine paraît-elle encore dégrossie. Ce sera l'ouvrage du temps; aussi faisons-nous tous des vœux pour la conservation de ce jeune prince. On dit pourtant que les prêtres ont juré d'empêcher tout le bien qu'ils pourront, et qu'ils proposent aux parlements de se joindre à eux pour cette belle œuvre. Grâce aux magistrats vertueux qui sont dans le conseil, ce projet d'iniquité ne s'accomplira pas.

V. M. a très-bien jugé Le Kain, au moins si j'en crois mon petit sens et ma sévérité géométrique. Cet acteur a des moments de vérité, mais dans tout le reste il est d'une lenteur qui rend son jeu fatigant et monotone. Je voudrais que V. M. eût vu jouer mademoiselle Clairon. Elle n'avait pas ce défaut, et je suis presque assuré, Sire, qu'elle vous aurait plu bien davantage.

J'ai fait mettre il y a quelques jours au carrosse de Strasbourg un exemplaire destiné à V. M. du catalogue de feu M. Mariette, amateur