<141> que la première attention soit pour les vivres, non pour savoir si l'on en aura pour quinze jours, mais pour toute la campagne. Pour faire de bons projets dans le courant de la guerre, il faut avoir des espions dans le cabinet des princes ou dans les bureaux de guerre; dès que vous êtes informé des intentions de l'ennemi, il vous est facile de rompre ses mesures, et vous pouvez toujours entreprendre hardiment ce qu'il appréhende le plus, car c'est une règle certaine qu'il faut faire le contraire de ce qu'il désire. Le beau d'un projet de guerre est que, en risquant peu, vous mettez l'ennemi en danger de perdre tout; exemples : surprise de Crémone, batailles de Luzara, de Cassano, passage de Thann et Belfort, Turenne, etc. Lorsque la ruse se joint à la force, alors le général est complet; c'est le grand art de tromper l'ennemi, et il faut que cela se fasse d'une manière plausible; exemples : Starhemberg au passage de l'Adda pour secourir le roi de Sardaigne; prince Eugène avant la bataille de Turin; Luxembourg à Landau, nota benè, chef-d'œuvre. Ce sont là les grands modèles qu'il faut étudier; mais la guerre de troupes légères que font les Autrichiens donne des entraves à un général; il est réduit lui-même à la défensive, et a bien de la peine à en imposer à ses ennemis.

DE LA GUERRE DÉFENSIVE.

Les projets de guerre défensive roulent sur les camps forts où l'on se campe avec l'armée dans des situations avantageuses, et sur des détachements que l'on fait à droite et à gauche de l'ennemi pour lui enlever ses vivres, pour battre ses fourrageurs, pour l'énerver et le ruiner petit à petit, mettre la misère dans ses troupes, faute de vivres, provoquer la désertion et, selon la raison de guerre, en profiter dans la suite. On ne doit jamais se restreindre si absolument dans une guerre défensive et se priver des moyens de profiter des fautes de