<142>l'ennemi, comme on réduisit l'armée de Catinat lorsqu'il devait couvrir la Provence, le Dauphiné et la Savoie, et qu'on lui laissa manquer de caissons et de mulets dans son armée, de sorte que, pour subsister, il était obligé de demeurer cloué dans son poste. Une défensive bien conduite doit avoir toutes les apparences d'une guerre offensive; elle ne doit en différer que par les camps forts et le ménagement que l'on a de ne point hasarder de bataille, à moins que d'aller à jeu sûr. C'est principalement dans cette sorte de guerre qu'il faut surtout mettre en œuvre tout ce qui est chicane, finesse et ruse de guerre; un général bien habile dans cette partie changera bientôt la défensive en offensive audacieuse; il ne faut que donner lieu à l'ennemi de ne faire que deux fautes dont il faut profiter d'abord et changer ainsi l'état de la guerre. Il nous est très-difficile, à nous autres Prussiens, de faire une guerre défensive dans ce genre contre les Autrichiens, à cause de leur grande supériorité de troupes légères, tant cavalerie qu'infanterie. Notre infanterie ne peut se regarder que comme les légionnaires romains; ils sont faits et dressés pour les batailles; leur ensemble et leur solidité en fait la force. La manière de combattre des troupes légères est toute différente; nous n'en avons point d'infanterie, et nos hussards ne sont pas assez nombreux pour pouvoir se soutenir en partis contre ceux de la reine de Hongrie. Il est donc certain que, pour mettre quelque égalité entre nos deux armées, il me faut au moins encore deux mille hussards et un corps de quatre mille hommes de troupes légères d'infanterie, divisés en compagnies franches; mais c'est l'œuvre du temps et des finances de produire ces excellents arrangements, auxquels il en faudra venir pourtant tôt ou tard en cas de guerre.