<109> peut-être celui qui est le plus convenable à notre idiome, et qu'il est, de plus, préférable à la rime; il est vraisemblable qu'on ferait des progrès, si on se donnait la peine de le perfectionner.a

Je ne vous parle pas du théâtre allemand. Melpomène n'a été courtisée que par des amants bourrus, les uns guindés sur des échasses, les autres rampants dans la boue, et qui tous, rebelles à ses lois, ne sachant ni intéresser ni toucher, ont été rejetés de ses autels. Les amants de Thalie ont été plus fortunés : ils nous ont fourni du moins une vraie comédie originale; c'est le Postzugb dont je parle. Ce sont nos mœurs, ce sont nos ridicules que le poëte expose sur le théâtre; la pièce est bien faite. Si Molière avait travaillé sur le même sujet, il n'aurait pas mieux réussi. Je suis fâché de ne pouvoir pas vous étaler un catalogue plus ample de nos bonnes productions; je n'en accuse pas la nation : elle ne manque ni d'esprit ni de génie; mais elle a été retardée par des causes qui l'ont empêchée de s'élever en même temps que ses voisins. Remontons, s'il vous plaît, à la renaissance des lettres, et comparons la situation où se trouvèrent l'Italie, la France et l'Allemagne lors de cette révolution qui se fit dans l'esprit humain.

Vous savez que l'Italie en redevint le berceau; que la maison d'Este, les Médicis et le pape Léon X contribuèrent à leurs progrès en les protégeant. Tandis que l'Italie se polissait, l'Allemagne, agitée par des théologiens, se partageait en deux factions, dont chacune se signalait par sa haine pour l'autre, son enthousiasme et son fanatisme. Dans ce même temps, François Ier entreprit de partager avec l'Italie la gloire d'avoir contribué à restaurer les lettres : il se consuma en vains efforts pour les transplanter dans sa patrie; ses peines furent infructueuses. La monarchie, épuisée par la rançon de son roi, qu'elle payait à l'Espagne, était dans un état de langueur. Les guerres de la Ligue, qui survinrent après la mort de François Ier, empêchaient les citoyens


a Voyez Fr. A. Wolf, Ueber ein Wort Friedrich's II. von deutscher Verskunst. Berlin, 1811.

b Der Postzug oder die noblen Passionen, par Cornélius-Hermann d'Ayrenhoff, 1769.