<99>devoir qu'à ses armes ce que ses intrigues tardaient trop à lui procurer. Un juif d'Amsterdam, nommé Schwartzau, lui prêta deux millions pour cette expédition, en lui disant : « Si vous êtes heureux, je sais que vous me les rendrez; si vous êtes malheureux, je consens de les perdre. »

Guillaume passa avec cette somme en Angleterre, détrôna le roi Jacques, battit le parti des opposants, et devint en quelque façon souverain légitime de ces trois royaumes par l'approbation du peuple, qui sembla autoriser son usurpation. Jacques, qui n'avait pu se faire considérer sur le trône, ni régner sur une nation dont il devait respecter les priviléges, laissa échapper le sceptre de ses mains; et, poursuivi par ses propres enfants, qui lui avaient arraché la couronne, il se réfugia en France, où sa dignité et ses malheurs ne purent le faire estimer.

Le nouveau roi d'Angleterre prit le commandement de l'armée des alliés; il gouvernait l'Europe par ses intrigues, en excitant la jalousie de tous les princes contre la puissance de Louis XIV, qu'il haïssait. Le monde était armé et en guerre, pour lui conserver le despotisme avec lequel il gouvernait les Provinces-Unies, qu'il aurait perdues en temps de paix; on l'appelait le roi de Hollande et le stadhouder d'Angleterre. Malheureux à la guerre, où il fut presque toujours battu, fécond en ressources, et vigilant à réparer ses pertes, c'était l'hydre de la fable qui se reproduisait sans cesse; il était aussi respecté de ses ennemis après ses défaites, que Louis XIV l'était après ses victoires.

Il eut une entrevue avec l'Électeur, au sujet des intérêts politiques du temps : le caractère de chacun de ces deux princes était trop différent, pour qu'il résultât quelque chose d'important de leurs délibérations. Guillaume était froid, simple dans ses mœurs, et rempli de choses solides : Frédéric III était impatient, préoccupé de sa grandeur, réglant ses moindres actions sur l'exact compas du cérémonial et sur les nuances des dignités; un fauteuil et une chaise à dos pensèrent brouiller ces princes pour jamais. Cependant quinze mille Brandebourgeois joignirent l'armée de Flandre, que le roi Guillaume commandait, et l'Électeur envoya un autre secours considérable à l'Empereur contre les Infidèles; ces troupes se distinguèrent à la bataille de Salankemen, que le prince