<77>Je ne redoutais plus le sort injurieux.
O céleste amitié! divine et pure flamme!
Suprême bien d'une belle âme,
Dont la main avare des dieux
Daigne si rarement favoriser la terre!
Faut-il la voir livrée en proie aux envieux,
Aux fureurs de la haine, aux flambeaux de la guerre?
Ah! faut-il voir d'ingrats un corps associé,
Monarques arrogants du bruit de leur tonnerre,
Fermer leur cœur d'airain aux cris de la pitié,
Et l'intérêt avide, étincelant de rage,
Convertir l'univers, à lui sacrifié,
En théâtre sanglant de meurtre et de carnage,
Où la destruction naît de l'inimitié?
Dans l'exécrable cours de ces mœurs infernales,
Parmi ces horribles scandales,
Votre cœur conserva, quoiqu'il fût épié,
Le feu sacré de l'amitié,
Ce feu cent fois plus pur que celui des vestales.
En vain les mortels corrompus
De l'infidélité vous ont tracé l'exemple;
Leurs perfides regards, honteux et confondus,
Sont forcés d'avouer que votre âme est le temple,
Le refuge sacré des antiques vertus;
C'est vous qui rendez véritable
Tout ce qu'a rapporté la Fable
D'Oreste, de Pylade et du tendre Nisus.
Si j'avais le pinceau d'Apelle,
Je peindrais votre cœur fidèle,
Et la constance et la ferveur
Dont, ô mon adorable sœur!
Vous avez combattu ma fortune cruelle.
Voyez, parents ingrats, quelle est votre noirceur;
Comparez-vous à ce modèle,
Vous tous qui, pour votre malheur,
Ne sentîtes jamais si vous aviez un cœur;