<142>Malgré tant de périls, de revers mémorables,
Recourbé sous le poids des destins implacables
Contre elle déchaînés,
J'entrevois, à travers cette ombre que j'abhorre,
Les prémices charmants et la naissante aurore
De ces jours fortunés.

Les dieux pour les mortels ne font plus de miracles;
Entourés de dangers, de gouffres et d'obstacles
Qui bordent leur chemin,
Ils leur ont départi l'audace et le courage,
Utiles instruments dont le pénible ouvrage
Asservit le destin.

Le tribut de la mort se doit à la nature,
C'est lui rendre son bien, dont on tire l'usure
Pendant qu'on en jouit;
Mévius le lui paya de même que Virgile,
Thersite comme un lâche, en vrai héros Achille,
Et tout s'évanouit.

Cette mort, dont on craint la redoutable image,
Peut vous rendre immortels, si vous vengez l'outrage
De vos lares, Prussiens.
L'amour de la patrie, à Rome secourable,
Changeait en demi-dieux de ce peuple adorable
Les moindres citoyens.

Eh quoi! notre siècle est-il donc sans mérite?
Du monde vieillissant la masse décrépite
Est-elle sans vertus?
Par ses productions la nature épuisée
Laisse-t-elle en nos temps la terre sans rosée,
L'Océan sans reflux?