<63>Ah! ma sœur, il faut qu'on le tue,
Ou pour jamais je suis perdue,
Et vous aussi, car vos destins
Sont en tout semblables aux miens.
Allons, que votre art s'évertue;
Broyez-moi, sans perdre de temps,
Les poisons les plus violents.
Oui, répondit la sorcière,
J'exaucerai votre prière;
Je veux que ce marquis d'Argens,
Notre ennemi depuis longtemps,
Pour payer son effronterie
Soit atteint de la pulmonie.
Mais il nous faut des actions,
Et non pas de vaines paroles;
Faisons nos conjurations,
Leurs vertus ne sont pas frivoles.
Puis son esprit aliéné
Se trouble et tombe en frénésie;
Telle, montant sur son trépied,
Parut à Delphes la pythie.
Son corps s'agite, elle frémit,
Puis d'un ton terrible elle invoque
L'astre présidant à la nuit;
Aux durs accents de sa voix rauque,
La terre tremble et le jour fuit,
Tout se confond dans la nature,
Et parmi ce trouble et ce bruit
On entend un affreux murmure,
Éole a déchaîné les vents.
Déjà la sorcière impure,
En soulevant les éléments
Avec les aquilons barbares,
Sur un tas de vapeurs chargea
Des asthmes, rhumes et catarrhes,
Et, les poussant, les obligea
De fondre tous sur la retraite