<81>Des esprits échauffés la fureur effrénée,
Par des conseils cruels aigrie, empoisonnée,
Confondait tous les droits, ce qu'on pouvait tenter,
Et les objets sacrés qu'on devait respecter.
Ils osèrent saper les fondements du trône;
Mais votre fermeté soutint votre couronne.
Depuis, votre prudence, éludant leurs assauts,
Sut apaiser leur haine et mater leurs complots.
Qu'il en coûte, ma sœur, pour acquérir la gloire!
Depuis ce temps encore une trame plus noire,
Attaquant vos appuis, voulut vous isoler;
Sans honte à ses projets osant tout immoler,
Elle alluma soudain le flambeau de la guerre,
De ses bras énervés nous lança son tonnerre,
Poursuivit votre sang établi dans le Nord,
Et contre un empereur dirigea son effort.
A peine à tant de traits étiez-vous échappée,
A peine voyait-on la diète occupée
A rétablir la paix, objet de tous les vœux,
Que des troubles nouveaux et non moins dangereux
Remplirent votre cœur des plus vives alarmes.
Que ce royaume, ô dieux! vous a coûté de larmes!
La Discorde, en soufflant l'ardeur des factions,
Sut ranimer le feu de leurs dissensions,
Et, tournant contre vous leur noire perfidie,
En vous calomniant, aliéna la Russie.
La cabale, depuis, marchant le front levé,
De l'ordre se jouant par l'État approuvé,
Épuisait tous les fonds par sa folle dépense,
Et se plaisait à voir renaître l'indigence.
Le Roi, trop rabaissé, se vit, hélas! réduit
A voir en spectateur son royaume détruit;
Il fallut qu'il cédât à l'effort de l'orage,
Qu'il s'unît au parti qui lui faisait outrage;
Et sans que ses clients en fussent compromis,
Il agit de concert avec ses ennemis.
Ces traîtres endurcis bientôt vous traversèrent,