<141>idéal. Tous ces matériaux amassés furent les causes qui préparèrent la réforme.

Pour ne rien omettre, nous devons rapporter une circonstance qui en facilita l'ouvrage. Depuis le concile de Bâle, où l'empereur Sigismond fit déposer trois papes à la fois, le saint-siége appréhenda autant les conciles généraux qu'il les avait désirés jusqu'alors. Les Pères avaient déclaré à Bâle que le concile avait de droit divin l'autorité de réformer les pontifes et de les détrôner. Déjà du temps des Othons, les Empereurs, indignés de recevoir de leurs prédécesseurs des excommunications en héritage, avaient eu l'adresse de se servir à leur tour de la religion et des assemblées des évêques pour déposer l'évêque de Rome et le combattre avec ses propres armes. Depuis le grand schisme d'Occident, les pontifes perdirent de leur crédit idéal; des mains profanes touchèrent à cette idole d'or devant qui la terre se prosternait, et ne la trouvèrent que d'argile. Dès lors le saint-siége redouta les rois, les Empereurs et les conciles; les excommunications, ces armes autrefois si terribles, se rouillèrent entre les mains des pontifes. Enfin tout annonçait un changement, lorsque Wiclef parut en Angleterre, et Jean Huss en Bohême.

Ce n'était encore qu'une faible aurore du jour qui devait dissiper les ténèbres. Toutefois la mesure était comblée, et le peuple même, tout grossier, tout stupide qu'il était, excédé des taxes qu'il payait au clergé, offensé du faste des évêques et de leur vie scandaleuse, était dans cette sorte d'agitation qui précède ordinairement les grandes révolutions. Enfin, la vente des indulgences consomma l'ouvrage, et fit perdre au saint-siége la moitié de l'Europe, qui renonça à son obédience. Cette grande révolution des esprits devait arriver tôt ou tard, parce que, d'un côté, l'ambition ne connaît point de bornes, et que, de l'autre, l'esprit humain n'est capable que d'un certain degré de patience, et qu'en possession de duper les nations depuis tant de siècles, les pontifes ne pouvaient prévoir qu'en suivant les traces de leurs prédécesseurs, ils eussent le moindre risque à courir.

Un moine de Saxe, courageux jusqu'à la témérité, doué d'une imagination forte, capable de profiter de l'effervescence où étaient les esprits, devint le chef du parti qui se déclara contre Rome;