<56>années, prend beaucoup le dessus en Europe : plus on est éclairé, et moins on est superstitieux. Le siècle où vivait Henri IV était bien différent. L'ignorance monacale, qui surpassait toute imagination, et la barbarie des hommes qui ne connaissaient d'autre occupation que celle d'aller à la chasse et de s'entre-tuer, donnaient accès aux erreurs les plus palpables. Marie de Médicisa et les princes factieux pouvaient donc alors abuser d'autant plus facilement de la crédulité des peuples, que ces peuples étaient grossiers, aveugles et ignorants.

Les siècles polis qui ont vu fleurir les sciences n'ont point d'exemples à nous présenter de guerres de religion, ni de guerres séditieuses. Dans les beaux temps de l'empire romain, je veux dire vers la fin du règne d'Auguste, tout cet empire, qui composait presque les deux tiers du monde, était tranquille et sans agitation. Les hommes abandonnaient les intérêts de la religion à ceux dont l'emploi était d'y vaquer, et ils préféraient le repos, les plaisirs et l'étude à l'ambitieuse rage de s'égorger les uns les autres, soit pour des mots, soit pour l'intérêt, ou pour une funeste gloire.

Le siècle de Louis le Grand, qui peut être égalé sans flatterie à celui d'Auguste, nous fournit de même un exemple d'un règne heureux et tranquille pour l'intérieur du royaume, mais qui malheureusement fut troublé vers la fin par l'ascendant que le père Le Tellier prit sur l'esprit de Louis XIV, qui commençait à baisser; mais c'est proprement l'ouvrage d'un particulier, et l'on n'en saurait charger ce siècle, d'ailleurs si fécond en grands hommes, que par une injustice manifeste.

Les sciences ont ainsi toujours contribué à humaniser les hommes, en les rendant plus doux, plus justes et moins portés aux violences; elles ont pour le moins autant de part que les lois au bien de la société et au bonheur des peuples. Cette façon de penser aimable et douce se communique insensiblement de ceux qui cultivent les arts et les sciences au public et au vulgaire; elle passe de la cour à la ville, et de la ville dans les provinces. On voit alors avec évidence que la nature ne nous forma point assurément pour que nous nous exterminions dans le monde, mais


a Catherine de Médicis.