<57>pour que nous nous assistions dans nos communs besoins; que le malheur, les infirmités et la mort nous poursuivent sans cesse, et que c'est une démence extrême de multiplier les causes de nos misères et de notre destruction. On reconnaît, malgré la différence des conditions, l'égalité que la nature a mise entre nous, la nécessité qu'il y a de vivre unis et en paix, de quelque nation, de quelque opinion que nous soyons; que l'amitié et la compassion sont des devoirs universels : en un mot, la réflexion corrige en nous tous les défauts du tempérament.

Tel est le véritable usage des sciences, et voilà par conséquent la règle de l'obligation que nous devons avoir à ceux qui les cultivent et qui tâchent d'en fixer l'usage parmi nous. M. de Voltaire, qui embrasse toutes ces sciences, m'a toujours paru mériter une part à la gratitude du public, et d'autant plus grande, qu'il ne vit et ne travaille que pour le bien de l'humanité. Cette réflexion, et le désir que j'ai eu toute ma vie de rendre hommage à la vérité, m'ont déterminé à procurer cette édition au public; je l'ai rendue aussi digne qu'il m'a été possible de M. de Voltaire et de ses lecteurs.

En un mot, il m'a paru que donner des marques d'estime à cet admirable auteur, c'était en quelque façon honorer notre siècle, et que du moins la postérité se redirait d'âge en âge que si notre siècle a produit des hommes célèbres, il en a reconnu toute l'excellence, et que l'envie ni les cabales n'ont pu opprimer ceux que leur mérite et leurs talents distinguaient du vulgaire et même des grands hommes.

Ce 10 août 1739, en Prusse.

Federic.